Que dit le Comité ?

Dans ses observations publiées fin mars, le Comité se dit être « extrêmement préoccupé » par le fait qu’au Canada, les personnes dont la mort naturelle n’est pas « raisonnablement prévisible » puissent bénéficier de l’aide médicale à mourir. Il est ici question de la « voie 2 » d’obtention de l’AMM, une voie ouverte par la modification du Code criminel en 2021.

En particulier, le Comité estime qu’offrir l’AMM dans les cas où la mort n’est pas raisonnablement prévisible constitue une discrimination à l’égard  des personnes en situation de handicap. Selon le Comité, cette possibilité risque de véhiculer l’idée que le handicap en tant que tel est une « souffrance intolérable ». De plus, il mentionne le fait que les inégalités structurelles auxquelles les personnes handicapées sont confrontées, en particulier les contextes de pauvreté, de soutien inadéquat et de discrimination, limitent leurs options réelles, rendant la notion de « choix » illusoire et influencent leurs décisions. 

Pour lutter contre cette situation, le Comité préconise donc la suppression du droit à l’AMM pour les personnes dont la mort ne surviendra pas naturellement dans les prochains mois. 

L’AQDMD dénonce la compensation d’une inégalité par la création d’une autre

Bien évidemment, les inégalités systémiques subies par les personnes en situation de handicap sont réelles, et il nous semble urgent d’y répondre avec des politiques publiques. Pour autant, la proposition du Comité nous semble contreproductive.

En demandant une interdiction spécifique de l’AMM pour les personnes en situation de handicap, le Comité demande en réalité la création d’une distinction juridique entre les citoyen·nes — une forme de paternalisme déguisé en protection. Non seulement cette proposition les infantilise, mais en plus, elle les discrimine. 

Refuser l’AMM à une personne en situation de handicap simplement parce qu’elle est handicapée sous-entend qu’elle n’est pas capable de faire des choix éclairés sur sa propre vie — et sa propre fin de vie. C’est une atteinte directe à son autonomie, à sa dignité et à sa liberté. Ce recul réinstituerait une société où certaines personnes se voient refuser le droit fondamental de décider pour elles-mêmes, uniquement en raison de leur handicap.

Comme l’a bien souligné l’organisme Dying With Dignity Canada : « True justice means addressing systemic inequalities without limiting individual rights. »
En français : « La véritable justice consiste à s’attaquer aux inégalités systémiques sans limiter les droits individuels. » À l’AQDMD, nous sommes en accord profond avec cette vision.

Les enjeux soulevés par le Comité sont réels : oui, les personnes handicapées peuvent être vulnérables. Mais la vulnérabilité ne réside pas dans leur condition. Elle se trouve dans un système qui les marginalise, un accès limité aux soins, une précarité économique ou un manque de soutien social. Ce qu’il faut combattre, ce sont ces conditions — pas le droit de choisir de mourir dans la dignité.
Jamais l’égalité ne consistera à retirer des choix aux individus pour compenser les défaillances du système. Le système doit être amélioré tout en respectant la liberté et l’autonomie décisionnelle de chacun·e.

Que pensent les juges de la vulnérabilité des personnes en situation de handicap ?

  • La décision de la juge Baudouin pour la Cour supérieure du Québec, qui a permis la modification de la loi en 2019, rappelait que:
  • Toute personne, handicapée ou non, pouvait être vulnérable à un moment ou l’autre de sa vie, mais que considérer les personnes handicapées comme étant a priori vulnérables relevait de la discrimination et que rien ne pouvait soutenir une telle affirmation.
  • La vulnérabilité́ d’une personne qui demande l’aide médicale à mourir doit exclusivement s’apprécier de manière individuelle, en fonction des caractéristiques qui lui sont propres et non pas en fonction d’un groupe de référence dit « de personnes vulnérables ».

À l’AQDMD, nous croyons que la vraie justice, c’est de lutter contre les inégalités systémiques, tout en offrant à tous et toutes les mêmes droits — y compris celui de mourir dans la dignité.