Quels progrès depuis 15 ans en faveur du droit d’obtenir une aide médicale à mourir?

La Journée mondiale pour le droit de mourir dans la dignité, qu’est-ce-que c’est?

À l’origine de cette Journée mondiale, créée le 2 novembre 2008 à Paris par le militant Jean-Luc Romero, régnait la volonté de libérer davantage la parole sur le droit de mourir dignement et de faire avancer les choses par le biais de manifestations et d’évènements : distributions de tracts, rassemblements et plantations d’arbres notamment dans le but de gagner en visibilité auprès des décideurs. Le mouvement prend ensuite de plus en plus d’ampleur et s’étend à travers le monde.

C’est en 2009 au Québec, notamment, que les discours relatifs au droit de mourir dignement commencent à être entendus (création de la commission parlementaire québécoise) par le monde politique.

Et l’un des plus grands atouts au Québec, c’est l’adhésion quasi instantanée de la société québécoise à la cause, comme le précise Mme Irène Durand, l’une des cofondatrices de l’AQDMD : 

« Je pense que l’évolution majeure c’est que les Québécois·es. se sont rallié·es rapidement à l’idée qu’il est cruel de faire subir des souffrances inutiles aux personnes qui veulent choisir l’aide médicale à mourir. En respectant ce choix, la société respecte le désir d’un citoyen ou d’une citoyenne de mettre fin à sa vie. Cette ultime liberté est une révolution des mœurs qui touche l’ensemble de la société et qui amène la création de nouveaux rituels sociaux de mort, de vie et de deuil. »

Mme Irène Durand

cofondatrice de l’AQDMD

2014-2016 : le Québec et le Canada autorisent l’aide médicale à mourir

En ce qui concerne la législation, c’est en juin 2014 que le Québec adopte la loi sur les “Soins de fin de vie” permettant entre autres l’aide médicale à mourir, loi qui sera en vigueur en décembre 2015.

Au Fédéral, c’est en 2015 que le droit d’obtenir une aide médicale à mourir connaît une avancée significative. En effet, dans l’affaire Carter-Taylor, la Cour suprême du Canada considère que les dispositions de l’article 241 du Code criminel canadien qui interdisait l’aide médicale à mourir sont contraires à la Charte canadienne des droits et des libertés. La Cour suprême accorde donc un délai de 12 mois au gouvernement canadien pour modifier le Code criminel. C’est suite à cela que le gouvernement canadien présente, en 2016, le projet de loi C-14, intégrant les modifications à la loi initiale.

L’année 2016 marque donc un avancement crucial pour le droit de mourir dignement et ses dispositions dans la loi. Les adultes admissibles sont désormais autorisés à demander officiellement l’aide médicale à mourir.

2020-2022 : les critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir s’élargissent

Ces années ont été des années charnières pour l’évolution du droit de mourir dignement au Québec.

En 2020, l’AQDMD obtient pour une durée de 3 ans une subvention du gouvernement du Québec en tant qu’organisme communautaire. Ainsi, l’Association prend de l’ampleur et peut accroître son périmètre d’action.

Et c’est à partir de mars 2021, avec la loi C-7 modifiant le Code criminel canadien, que les critères s’élargissent au fédéral et rendent possible le recours à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont la mort n’est pas “prévisible” ou prévue à court ou moyen terme mais qui remplissent les autres critères d’admissibilité. Les notions de “fin de vie” de la loi du Québec et celle de “mort naturelle raisonnablement prévisible” sont donc abolies, en mars 2020 pour le Québec et mars 2021 pour le code criminel.

En parallèle, se tiennent différentes commissions, au provincial et au fédéral, pour faire évoluer la loi. Au provincial, les questions concernant le recours à l’aide médicale à mourir par demandes anticipées pour les personnes atteintes d’une maladie neurodégénérative cognitive se posent pendant cette même période. La Commission spéciale sur l’évolution de la loi concernant les soins de fin de vie rend un rapport préconisant le recours aux demandes anticipées.

En 2022, le projet de loi 38 est déposé en ce sens pour prévoir notamment que :

  • les personnes touchées par ces maladies puissent bénéficier de l’aide médicale à mourir dans le futur, au moment où elles seront devenues inaptes;
  • l’accès à l’aide médicale à mourir soit élargi aux personnes en situation de handicap, conformément aux dispositions du Code criminel canadien;
  • les infirmier·es praticien·nes spécialisé·es (IPS) puissent évaluer et administrer l’aide médicale à mourir, par souci d’harmonie avec toutes les autres provinces du Canada;
  • l’aide médicale à mourir soit obligatoirement inclue dans les soins proposés dans les maisons de soins palliatifs.

Le projet de loi ne pourra être étudié en raison de la clôture, en juin 2022, des travaux parlementaires pour faire place aux élections au Québec. Toutefois, pendant la période électorale, l’AQDMD obtient l’assurance de la part de tous les partis principaux de redéposer ce projet de loi

Le rôle de l’AQDMD, l’un des organismes précurseurs au Canada

En 2006, Mme Francine Lalonde, députée fédérale, initie les débats parlementaires pour un projet de loi sur l’aide médicale à mourir. 

Par la suite, au Québec Mme Hélène Bolduc, fondatrice de l’AQDMD, est rejointe par plusieurs personnes provenant de divers milieux professionnels, ainsi que de nombreuses associations citoyennes (AQDR, FADOC, AFEAS, AREQ, RPA, CLSC, etc.). Ensemble, ils cofondent l’Association telle que nous la connaissons aujourd’hui. Infirmier·e, éducateur·rice spécialisé·e, enseignant·e, juriste ou médecin, tous et toutes fort·es de leurs expériences professionnelles variées, ont réussi à mettre sur pied des argumentaires et des plans d’action solides pour soutenir le projet de loi sur l’aide médicale à mourir.

C’est en 2007 que l’Association voit officiellement le jour. Elle est portée par des membres avec des convictions et des histoires personnelles fortes qui ont, chacun, contribué et apporté leur pierre à l’édifice pour développer les actions qui ont permis l’évolution de la  notion du droit de mourir dignement selon ses valeurs personnelles

« Parmi les expériences m’ayant le plus marquée, il y a eu la rencontre avec un médecin français. Il a partagé ses expériences avec nous, des témoignages d’expériences de fins de vie fort émouvantes. Celle m’ayant le plus émue est l’histoire d’une famille, où la belle enfant qu’il avait mise au monde, qu’il avait vue grandir, avait dû se battre courageusement pendant des années contre un cancer incurable. Arrivée à ses douze ans et déjà au bout de son parcours de vie, elle n’avait plus qu’un souhait : partir en ayant toute sa famille autour d’elle »

Mme Carole Lafrance

cofondatrice de l’AQDMD

L’objectif de l’Association était alors d’initier, petit à petit, un changement de culture, de sensibiliser la population à la défense du droit de mourir dans la dignité. Les questions d’éthique et de morale étant au cœur des discussions, l’équipe a su rassembler et laisser la parole aux spécialistes et aux personnes directement concernées par ces sujets pour étayer ses propos et faire connaître le droit de mourir dignement au plus grand nombre. 

En 2009, c’est dans le cadre de la Commission parlementaire sur la question de mourir dans la dignité que l’Association est invitée à participer en tant qu’Association citoyenne et que Mme Hélène Bolduc décide de lire aux députés la lettre écrite par Mme Claire Morissette et réussit ainsi à convaincre son auditoire. Celle-ci résonne et « émeut aux larmes » plusieurs députés, nous précise-t-elle.

Quelles seront les prochaines thématiques à défendre pour continuer à faire évoluer le droit de mourir dans la dignité?

Beaucoup de progrès restent néanmoins encore à faire concernant l’évolution du droit de mourir dignement. Le droit d’obtenir l’aide médicale à mourir en présence d’un problème de santé mentale uniquement est un sujet crucial, mais difficile. Il est donc logique que les critères d’admissibilité continuent de s’élargir en ce sens et que des solutions émergent autour de ces sujets.

Parmi les prochaines décisions attendues, au fédéral, le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir devra rendre son rapport en février 2023 concernant :

  • l’accès à l’aide médicale à mourir par les demandes anticipées pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives cognitives;
  • l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de troubles de santé mentale comme seule problème de santé;
  • l’accès à l’aide médicale à mourir pour les mineur·es matures.

La société étant en constante évolution, il va donc de soi que l’Association continuera à s’adapter pour aller dans le sens des demandeurs de l’aide médicale à mourir et se rapprocher toujours plus de leur réalité au quotidien, dans le respect de l’éthique et de la loi.

C’est pourquoi l’AQDMD doit continuer de prendre de l’espace pour pouvoir être entendue et ainsi contribuer à la législation.

« L’associatif, ça prend du temps et des convictions. »

Mme Hélène Bolduc

fondatrice de l’AQDMD

En cette 15e année, il est donc important de souligner le dévouement sans faille de tous les cofondateurs de l’Association qui ont nettement contribué à ces évolutions et de leur attribuer un remerciement spécial : Mme Hélène Bolduc, Dr Marcel Boulanger, Mme Nicole Dubois, Mme Irène Durand, Mme Carole Lafrance, M. Guy Lamarche et M. Gilles Lebel.

Et vous aussi, vous pouvez contribuer à faire progresser le droit de mourir dignement et soutenir la mission de l’AQDMD en adhérant ou en faisant un don.