Et après, c’est avec amertume que j’ai lu comment l’Église s’en est mêlée, pour comparer le tout à un homicide. C’est pas mêlant, ça m’a fait sacrer malgré moi. Je n’ai rien contre les croyances religieuses, ne vous méprenez pas, mais oui, je ne peux m’empêcher d’en vouloir à la religion quand elle se permet de dicter et de juger, de culpabiliser et de véhiculer allègrement comment on peut avoir le droit de vivre, de souffrir, de mourir.

Mais bon. C’est comme ça et ça rappelle douloureusement à quel point on a encore du chemin à faire, pour se respecter les uns les autres… et s’aimer assez pour se laisser partir, comme du monde. Après tout, c’est pas mal une des grandes réflexions, une des grandes peurs de l’humain depuis toujours, la mort. C’est pas rien. Ça fait que… parlons-en.

La semaine dernière, des collègues ont pointé, avec des opinions très partagées, l’apparition d’un nouveau concept au Québec : un endroit avec services multiples qu’on peut louer, selon des forfaits, pour aller y mourir. On peut ainsi planifier son moment, y ajouter des soins, de l’accompagnement, de la détente, des massages, repas cinq services, coiffure, maquillage… jusqu’au moment de son aide médicale à mourir (AMM).

Vite de même, je peux comprendre le malaise de certains avec la commercialisation de la mort. Et j’ai lu toutes sortes de réactions. Mais « bonyenne, ils s’en vont toujours ben pas dans un party », en le lisant, m’a vraiment rentré dedans, tellement c’était cru. Comme un réflexe parti tout seul, j’imagine.

Mais pour moi, c’était plus comme une claque dans la face, qui m’a juste vraiment confirmé à quel point on a besoin de se parler pour de vrai, entre humains, de comment on veut mourir.

La vérité, c’est que le patient qui demande l’aide médicale à mourir a le droit d’obtenir son soin (parce que oui, c’est un soin, et probablement le soin le plus humain et intime qui soit, en passant) là où il veut. Le problème, c’est que les options font dur.

La maison, l’hôpital et…

Il y a la maison (qui peut être chaleureuse et rassurante, mais pas toujours)… et l’hôpital. Et je n’ai pas besoin de vous faire un dessin pour vous convaincre que l’hôpital, surtout en ce moment, c’est peut-être pas la façon la plus zen de mourir. C’est pas non plus le meilleur moyen d’avoir un accompagnement, disons… varié et nombreux.

Et les maisons de soins palliatifs, vous demandez ? Ouin, parlons-en, des maisons de soins pall. Sont bien belles et bien fines… et elles offrent des soins vraiment nécessaires… mais elles sont aussi pas mal fermées et pas toujours accessibles, malheureusement. Il n’y a pas grands lits et pas grande ouverture pour l’AMM, depuis les débuts de la loi 2, en 2016.

Beaucoup n’en veulent pas, de l’AMM. En cinq ans, sur 36 maisons, en octobre dernier on en rapportait seulement 16 qui offraient le soin1. On peut ajouter la Maison Michel-Sarrazin, à Québec, qui a finalement annoncé, le mois passé, qu’elle allait y prendre part. Et bien que saluée, sa décision rentre encore solidement dans la catégorie « trop peu trop tard », dans ma tête. Le Conseil pour la protection des malades est d’ailleurs aussi pas mal d’accord avec moi2.

Ça fait que le patient pour qui ces options ne fonctionnent pas, lui, il est censé faire quoi, hein ? Il est censé aller mourir où, exactement ?

Il y a comme un trou, là. Un manque à combler. Parce qu’on ne parle pas de choisir l’endroit du brunch de Pâques ou du prochain party de famille, là. On n’aura pas la chance de se reprendre l’année d’après, mettons que c’est pas à notre goût.

Mourir, ça arrive une fois. Perdre sa personne, ça arrive une fois. Juste une fois, dans toute la vie. Ça se peut-tu qu’on puisse essayer de faire mieux ? Ça se peut-tu qu’on essaie d’accompagner avec tout ce qu’on a ?

Juste comme exemple… on jase, là : chaque jour, plein de femmes choisissent d’aller accoucher en maison de naissance, pour le confort, la tranquillité, la chaleur, l’accompagnement. Parce qu’elles n’ont pas envie de trop médicaliser ce moment unique, crucial, intime, profondément important… et qui n’arrive qu’une seule fois.

On accepte bien tous les services, les options et la commercialisation en lien avec la naissance, parce que c’est un moment donc bien important, n’est-ce pas ?

Mais qu’en est-il de la mort, elle ? Pourquoi tant de tabous autour de la fin de vie, ce moment infiniment intense et intime, unique, significatif… ? Pourquoi ne pas dorloter, savourer, personnaliser, adoucir et accompagner, du mieux qu’on peut ? Il provient d’où, notre malaise ?

J’en ai fait de toutes sortes, des aides médicales à mourir. Et chaque fois, on a fait de notre mieux pour rendre le soin et tout ce qui l’entourait à la hauteur de la grandeur du moment… et de la personne. Parce que je vais vous dire aussi qu’après le départ des uns, les autres qui restent, eux, l’ont plus facile, quand ils ont pu offrir la dignité comme dernier cadeau.

Alors, faisons donc de notre mieux, collectivement, pour rendre le moment de la mort à la hauteur de la grandeur de toute la vie qui la précède.

Pour consulter l’article sur le site du journal La Presse