Les Québécois ont cessé de percevoir l’aide médicale à mourir comme une procédure exceptionnelle pour les personnes atteintes de maladies incurables dont la souffrance est insupportable, selon ce qu’a affirmé dans une récente entrevue le Dr Michel Bureau, qui dirige la Commission sur les soins de fin de vie qui relève de l’Assemblée nationale. « Nous n’avons plus affaire à un traitement exceptionnel, mais à un traitement très fréquent. »

Le Québec est en voie de terminer l’année avec 7 % de tous les décès enregistrés comme assistés par un médecin, selon le Dr Bureau, qui précise : « c’est plus que partout ailleurs dans le monde : 4,5 fois plus que la Suisse, trois fois plus que la Belgique, plus que les Pays-Bas et deux fois plus que l’Ontario ».

Plus tôt ce mois-ci, la commission a envoyé une note aux médecins leur rappelant que seuls les patients atteints d’une maladie grave et incurable, qui souffrent et qui ont connu un déclin irréversible de leur état peuvent recevoir l’aide médicale à mourir. La note leur rappelait que la procédure devait être approuvée de manière indépendante par deux médecins et que les médecins ne devaient pas « magasiner » pour obtenir un deuxième avis favorable.

« Nous constatons, de plus en plus, que les cas recevant une aide médicale à mourir approchent des limites de la loi. Ce n’est plus seulement un cancer en phase terminale, il y a toutes sortes de maladies, et c’est très bien, mais cela demande beaucoup de rigueur de la part des médecins pour s’assurer de rester dans les limites de la loi. »

Michel Bureau dit avoir observé une légère augmentation du nombre de cas qui violent la législation québécoise sur la fin de vie.

Des cas problématiques

Dans le dernier rapport annuel de la commission, qui couvrait une période comprise entre le printemps 2021 et le printemps 2022, on peut lire que 15 des 3663 décès assistés par un médecin au Québec ne respectaient pas la loi. Les cas problématiques concernaient un cas où l’aide médicale à mourir avait été administrée à une personne dont la carte d’assurance-maladie était expirée. Dans six cas, les patients n’étaient pas admissibles à la procédure et dans trois autres, les patients n’ont pas pu donner leur consentement.

Ces 15 cas ont été signalés au Collège des médecins du Québec. Dans un courriel, le collège a déclaré qu’aucun des cas n’avait été renvoyé à son tribunal disciplinaire interne. La porte-parole, Leslie Labranche, a précisé que l’organisme d’autoréglementation ne disposait pas de données indiquant si d’autres mesures disciplinaires auraient pu être prises contre des médecins qui auraient violé les règles de l’aide médicale à mourir.

D’autre part, le collège a refusé de commenter la note de service envoyée par la commission.

Michel Bureau craint que des médecins ne soient mis dans des situations difficiles par des patients âgés qui sont prêts à mourir, mais dont les problèmes de santé ne sont pas suffisamment graves pour qu’ils soient éligibles à l’aide médicale à mourir qui, précise-t-il, « n’est pas là pour remplacer la mort naturelle ».

Il assure ne pas avoir entendu parler d’un seul cas au Québec pour lequel l’aide médicale à mourir avait été recommandée par un médecin plutôt que par un patient.

Des règles plus strictes au Québec

Selon le plus récent rapport annuel de Santé Canada sur l’aide médicale à mourir, publié en juillet 2022, les décès assistés par un médecin représentaient 3,3 % des décès au Canada en 2021. Au Québec, qui comptait le plus grand nombre de morts assistées au pays, le nombre était de 4,7 % des décès cette année-là, juste après la Colombie-Britannique, à 4,8 %.

Ces chiffres ont continué d’augmenter. En 2022, l’aide médicale à mourir représentait 6,1 % des décès au Québec, selon l’institut de la statistique du Québec. Et en Colombie-Britannique, elle représentait 5,5 % des décès en 2022, selon le ministère de la Santé de la province ; au 30 juin, cette proportion atteignait 6,2. %.

Michel Bureau ignore pourquoi le Québec affiche un taux d’aide médicale à mourir plus élevé que celui d’autres régions du Canada, même si à son avis, le cadre d’un tel recours au Québec est plus strict qu’ailleurs au Canada et mieux surveillé.

Mais même si des règles strictes entourent la procédure, l’aide médicale à mourir est profondément intégrée au système de santé québécois. « C’est très facile de passer des soins palliatifs à l’aide médicale à mourir », selon le Dr Bureau.

 

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