Mon mari Marc est décédé le 3 avril 2021 par l’aide médicale à mourir pour un diagnostic d’alzheimer.

Marc connaissait très bien l’évolution de la maladie pour avoir œuvré bénévolement auprès de personnes qui en étaient atteintes. Déjà, en 1999, il nous avait informés qu’il ne mourrait jamais de cette maladie. Il voulait « mourir dans la dignité » et cela avait une grande importance dans ses valeurs de vie.

Il a reçu un diagnostic d’alzheimer en novembre 2019. Il a signé sa demande pour recevoir l’aide médicale à mourir dans les semaines qui ont suivi. Sa décision était prise depuis toujours.

Lors des discussions au Parlement sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes touchées par la maladie d’Alzheimer, il m’a demandé des résumés de tous les échanges. Il attendait jour après jour que nos gouvernements lui ouvrent la porte de l’aide médicale à mourir.

Plus le temps avançait, plus il se demandait quelles seraient ses pertes cognitives en se réveillant le lendemain… Pertes qui pourraient mettre en péril sa capacité à bénéficier de l’aide médicale à mourir, la lucidité étant un critère obligatoire.

La suite de notre vie était suspendue aux débats sur l’aide médicale à mourir, mais plus encore sur les demandes anticipées : « Si elles sont acceptées en même temps que l’aide médicale à mourir, nous aurons un peu plus de temps ensemble… », me disait-il. La loi C-7 a été votée le 17 mars 2021, mais les demandes anticipées ont été remises à l’étude pour plus tard. Marc ne pouvait attendre à plus tard : rendu au stade 5, Marc répondait à tous les critères d’admissibilité pour recevoir l’aide médicale à mourir, mais il ne savait pas s’il aurait encore toute la lucidité exigée pour recevoir l’aide médicale à mourir s’il attendait. « Je ne veux pas manquer le train ! », répétait-il.

Il a reçu l’aide médicale à mourir le 3 avril 2021, deux semaines après que C-7 eut été votée.

Mourir en toute lucidité

Si les demandes anticipées avaient été acceptées en même temps que C-7, nous aurions eu encore quelques mois ensemble, peut-être même une autre année, pour vivre des moments de joie avec notre famille, profiter de sa présence aimante même avec une mémoire défaillante, et être avec lui aussi loin qu’il aurait voulu aller. Parce qu’il n’avait pas accès aux « demandes anticipées », nous sommes partis, main dans la main vers l’hôpital, un samedi matin d’avril, pour aller mourir « en toute lucidité », comme la loi l’exige encore.

C’est un pas majeur que l’aide médicale à mourir ait été votée pour les maladies neuro-dégénératives cognitives, mais cette loi prendra tout son sens uniquement lorsque les personnes concernées pourront aussi choisir quand elles veulent la recevoir !

Au nom de Marc qui n’est plus, et de toutes les personnes dont la qualité de fin de vie est suspendue à une loi qui risque d’être reportée encore une fois… je demande un peu plus de compassion. Parce que les « demandes anticipées » étaient encore à l’étude, Marc mon mari, mon compagnon de vie, a été obligé de prendre une décision irréversible, recevoir l’aide médicale à mourir rapidement, avant « de manquer le train » ! C’était il y a un an, et rien n’a changé. Voter pour les « demandes anticipées », c’est enlever l’obligation du « mourir tout de suite parce qu’il faut être lucide ». Il ne faudrait pas, parce que les vacances sont arrivées et les travaux ajournés, qu’il y ait d’autres « Marc » !

Pour consulter la lettre d’opinion sur le site du journal La Presse

 

Le témoignage de Mme Giroux publié le 21 mai sur les demandes anticipées d’aide médicale à mourir a manifestement touché plusieurs lecteurs du journal La Presse. Le journal a d’ailleurs consacré un second article le 25 mai 2022 aux courriels reçus suite à la publication de ce témoignage.

Pour consulter ce second article sur le site du journal La Presse.