Où l’aide médicale à mourir est-elle permise?

Sept pays autorisent actuellement l’aide médicale à mourir dans le monde : les Pays-Bas (2001), la Belgique (2002), le Luxembourg (2009), la Colombie (2015), le Canada (2016), l’Espagne (2021) et la Nouvelle-Zélande (2021). En Australie, la loi fédérale ne l’autorise pas, mais les États ont adopté des régimes différents. Si les critères pour l’obtenir varient d’un pays à l’autre, elle est systématiquement comprise comme un acte médical ayant pour objectif d’entraîner la fin de vie, prodigué par un professionnel de la santé, à un patient en ayant fait la demande.

Ce sont les pays du Benelux (Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) qui ont ouvert la marche de la légalisation de l’aide médicale à mourir et de l’assistance au suicide.
Ces pays n’exigent pas que le patient soit atteint d’une maladie en phase terminale. Un patient atteint de troubles mentaux ou du comportement peut être admissible à l’aide à mourir si d’autres conditions sont réunies.
Ils acceptent également les demandes anticipées, c’est-à-dire que le patient n’est pas obligé d’être apte à prendre une décision au moment de son décès et peut faire la demande préalablement. Au Benelux, l’application des déclarations anticipées varie cependant d’un pays à l’autre : alors qu’aux Pays-Bas celles-ci peuvent être utilisées dans les cas de démence par exemple, elle ne peuvent être utilisées que si le patient est inconscient au moment de la procédure en Belgique et au Luxembourg.

Bien que leurs règles en la matière ne soient pas exactement identiques, les Pays-Bas et la Belgique autorisent par ailleurs certaines personnes mineures à recevoir l’aide à mourir. En octobre 2020, les Pays-Bas ont annoncé qu’ils projetaient de la légaliser pour les enfants malades en phase terminale âgés de un à 12 ans. À ce jour, la loi n’a pas été modifiée. Pour sa part, le Luxembourg limite l’aide à mourir aux adultes.

En Colombie, la Cour Constitutionnelle a statué dès 1997 pour la dépénalisation de l’aide médicale à mourir, mais c’est seulement en 2015 qu’une résolution légale a été adoptée pour l’autoriser. C’est en juillet 2015, qu’un premier patient a pu en bénéficier.
En juillet 2021, la Cour constitutionnelle a étendu le droit à l’aide médicale à mourir aux patients qui ne sont pas en phase terminale, mais victimes « d’intenses souffrances physiques ou psychologiques résultant d’un préjudice corporel ou d’une maladie grave et incurable ».
En mai 2022, la Cour constitutionnelle de Colombie a autorisé le suicide assisté pour les personnes souffrant d’une maladie grave ou incurable sous la supervision d’un médecin. Bien que la procédure demeure rare, après avoir été le premier pays d’Amérique Latine à pratiquer l’aide médicale à mourir, la Colombie ouvre donc également la voie en la matière de suicide assisté.

En Espagne, après avoir dépénalisé l’euthanasie passive et l’assistance au suicide en 1995, le parlement a approuvé définitivement en mars 2021 la légalisation de l’aide médicale à mourir et du suicide assisté. La loi est entrée en vigueur en juin 2021. Elle concerne les personnes qui souffrent d’une maladie incurable ou de douleurs les plaçant en situation d’incapacité.

En Nouvelle-Zélande, l’aide médicale à mourir et le suicide assisté ont été légalisés en novembre 2021. Le processus a démarré en 2019, alors que les législateurs de la Nouvelle Zélande ont adopté une loi destinée aux  personnes souffrant, de manière insupportable, d’une maladie en phase terminale. Celle-ci a été adoptée à la suite d’un référendum. 

En Australie, une loi autorisant l’aide médicale à mourir est entrée en vigueur dans le Territoire du Nord dès 1996 faisant de l’Australie le premier pays au monde à la légaliser, mais elle a été abrogée l’année suivante au niveau fédéral. L’aide médicale à mourir et le suicide assisté sont restés illégaux jusqu’à récemment. Depuis peu, chacun des six États australiens a adopté une législation concernant l’aide à mourir et/ou le suicide assisté : Victoria (2017), Australie occidentale (2019), Tasmanie (2021), Australie du Sud (2021), Queensland (2021) et New South Wales (2022). Toutes les lois ne sont pas encore en vigueur, celle du Queensland par exemple sera applicable à compter de janvier 2023.

Malgré sa progression, le droit à l’aide médicale à mourir dans le monde reste donc minoritaire. Le suicide assisté est néanmoins une alternative choisie par certains pays.

L’avenir de l’aide médicale à mourir dans le monde

De nombreuses discussions concernent l’évolution de l’aide médicale à mourir dans le monde et certaines sont déjà très avancées. Quelques exemples peuvent être cités.

Au Portugal, des débats très poussés sont en cours. Alors qu’une loi autorisant la mort médicalement assistée et le suicide avait été approuvée par les députés en janvier 2021 puis annulée par la Cour constitutionnelle en mars 2021, le Parlement avait reformulé son texte. Le  président Marcelo Rebelo de Sousa y a opposé son veto en novembre. Un nouveau texte de loi a été déposé devant le Parlement suite aux élections. Pour le moment, seul l’arrêt des traitements, l’euthanasie passive, est tolérée dans certains cas dits “désespérés”.

En Allemagne, des débats juridiques ont lieu : en 2015, l’Allemagne a explicitement interdit le développement de services de suicide assisté (par des associations en faveur du droit à mourir dans la dignité par exemple), mais cette loi a été attaquée. Dans un arrêt de février 2020, la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne a considéré que la Constitution prévoit un droit à choisir sa mort qui englobe la liberté de se suicider ou d’avoir recours à une assistance volontaire d’un tiers. Elle a recommandé au législateur de procurer un cadre légal au suicide assisté. Des projets de loi visant à réglementer la pratique ont été déposés à la suite du jugement, mais n’ont pas été adoptés jusqu’à présent. Actuellement, l’assistance au suicide est tolérée. 

À noter que le mot « euthanasie » est tabou en Allemagne depuis l’après-guerre, en raison de sa référence à l’opération Aktion T4, consistant en l’extermination des personnes handicapées par le régime nazi. Les Allemands utilisent le terme « mort assistée ». 

Au Japon, le sujet fait débat. Bien qu’aucune loi officielle ne contienne de règle précise concernant le statut de l’aide médicale à mourir et que la Cour suprême ne se soit jamais prononcée sur la question, il existe cependant une forme de tolérance. Des procédures ont été détaillées en faveur d’une « euthanasie passive », par arrêt des soins, ou « pure », par administration de soins soulageant la douleur, et non « active », par provocation du décès du malade par des moyens thérapeutiques. Des projets de lois ont été déposés mais n’ont pas été adoptés jusqu’à présent.

Au Pérou, dans une décision rendue en février 2021, un juge « a ordonné la dépénalisation de l’euthanasie dans le cas spécifique d’Ana Estrada », une femme de 44 ans souffrant de polymyosite, une maladie auto-immune entraînant notamment une grave inflammation musculaire. Cette décision autorise les médecins à prodiguer le soin d’aide médicale à mourir à la patiente sans risque de poursuite judiciaire, alors que la peine encourue au Pérou pour un tel acte, considéré comme « meurtre par compassion », peut atteindre trois ans de prison. La décision est actuellement examinée par la Cour suprême du pays, laquelle n’a pas encore rendu de jugement pour confirmer ou infirmer la décision. Un projet de loi a été présenté au Parlement, mais n’a pas été adopté avant la dissolution de ce dernier à l’été 2021. 

Le sujet de l’aide à mourir fait donc présentement l’objet de discussions au sein de nombreuses législatures, particulièrement en Amérique du Nord et en Europe, en Angleterre et en Ecosse où des consultations citoyennes ont été lancées, mais également en Amérique latine, par exemple au Chili et en Uruguay. Si la tendance actuelle se maintient, les évolutions laissent présager de nouvelles légalisations de l’aide médicale à mourir dans le monde.