Des médecins contactent régulièrement l’ordre professionnel pour lui faire part de leur inquiétude quant à la prestation de traitements de fin de vie, a indiqué vendredi Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec, en entrevue.

« On parle de médecins qui ont peur d’éventuelles représailles, par exemple qu’un de leurs dossiers fasse l’objet d’une enquête du Collège des médecins du Québec », a-t-il relaté.

Dr Gaudreault s’est prononcé publiquement, vendredi, pour défendre ses membres après que le président de la Commission québécoise des soins de fin de vie – un organisme indépendant qui surveille l’AMM et rend compte à l’Assemblée nationale – a déclaré plus tôt ce mois-ci qu’un nombre croissant de cas d’AMM repoussait les limites de la loi.

Le Dr Michel Bureau, président de la Commission sur les soins de fin de vie, a publié une note avertissant que les Québécois ne considèrent plus l’AMM comme un dernier recours. Il a dit s’attendre à ce que plus de 7 % des décès au Québec cette année soient assistés médicalement. – plus que partout ailleurs dans le monde. Le Dr Bureau est allé jusqu’à suggérer que la manière dont l’AMM est administrée dans la province pourrait commencer à s’écarter de l’esprit de la loi.

En réponse au Dr Bureau, le Dr Gaudreault a publié vendredi une lettre ouverte disant que le Collège ne pensait pas que l’AMM était offerte trop fréquemment et que certains médecins craignaient de recourir à cette procédure en raison du risque de faire l’objet d’une enquête de la part du Collège.

« Pour le Collège des médecins, il est clair que l’AMM n’est pas trop [souvent] autorisée, affirme le président dans la lettre. Et d’ailleurs, trop souvent par rapport à quoi ? Sur quelle base utile et scientifique [le Dr Bureau] s’appuie-t-il ici pour suggérer cela ? »

Le Dr Gaudreault a déclaré en entrevue que plus de 99,5 % des procédures d’AMM administrées au cours de la dernière année ont été jugées conformes par la commission du Dr Bureau. « Nous parlons donc de seulement… 0,4 % qui aurait pu être jugé non conforme », réitère le président.

Dans le rapport 2022 de la Commission sur les soins de fin de vie, qui couvrait une période comprise entre le printemps 2021 et le printemps 2022, on indiquait que 15 des 3663 décès assistés par un médecin au Québec n’avaient pas été effectués dans les conditions posées par la loi.

Le Dr Gaudreault a déclaré que ces 15 cas avaient été signalés au Collège pour examen et qu’aucun d’entre eux n’avait donné lieu à des avis disciplinaires aux médecins. Comme la commission examine chaque cas d’AMM et renvoie les cas problématiques au Collège, le Québec dispose des garde-fous les plus stricts au monde pour cette pratique, a-t-il souligné.

Dans sa lettre, le Dr Gaudreault mentionne qu’étant donné le vieillissement de la population de la province, la connaissance généralisée de cette pratique et la suppression de l’exigence selon laquelle les personnes doivent être en fin de vie pour recevoir l’AMM, il est logique que davantage de Québécois cherchent à mettre fin à leur vie avec l’aide d’un médecin.

Il y a également eu une augmentation marquée du nombre de personnes renonçant aux traitements agressifs et ne voulant pas mourir de maladies incurables, a-t-il ajouté.

Une peur qui limite l’accès à l’AMM

Le Dr Georges L’Espérance, président de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, un groupe de défense pro-AMM, a déclaré qu’il croyait que la note de la commission avait intimidé les médecins.

« Un grand nombre de médecins ont très peur de la réponse de la Commission des soins de fin de vie et, en particulier, de son président (Dr Bureau). Ils refusent donc d’évaluer les patients », a expliqué le Dr L’Espérance vendredi en entrevue.

« Il y a des médecins qui ont commencé à fournir une aide médicale à mourir et qui ont arrêté à cause des représailles redoutées », mentionne-t-il.

Dr L’Espérance a déclaré que la peur parmi les médecins limite l’accès des gens à l’AMM.

Le nombre croissant de cas d’AMM au Québec ne préoccupe pas Dr L’Espérance, qui affirme que cette pratique est largement acceptée dans la province.

« Si les gens veulent mourir au moment de leur choix, parmi leurs proches, pourquoi pas ? Pourquoi devons-nous attendre la fin de la vie avec la souffrance, la maladie, la détérioration pour obtenir une certaine libération ? » demande le médecin.

Même si les soins palliatifs peuvent remédier à la souffrance physique, ils ne peuvent pas remédier à la souffrance psychologique et existentielle que subissent les patients en attendant de mourir, a rappelé Dr L’Espérance..

Celui-ci pense qu’il faut davantage de médecins – y compris ceux qui ont administré l’AMM – au sein de la commission provinciale de fin de vie.

La commission a refusé vendredi de commenter la lettre du Collège.

 

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