Contexte
Jusqu’au 30 octobre 2024, ces personnes n’avaient qu’une seule option pour obtenir l’aide médicale à mourir : la demande dite contemporaine. C’est la demande la plus connue, celle que peuvent également formuler les personnes atteintes d’autres problèmes de santé graves et incurables qui ne mènent pas à l’inaptitude à consentir aux soins.
Depuis le 30 octobre 2024, une nouvelle option s’offre aux personnes atteintes d’une MGII au Québec : la demande anticipée d’aide médicale à mourir.
La demande
La demande contemporaine
Il n’est pas nécessaire d’avoir atteint un certain stade dans la maladie pour soumettre une demande contemporaine d’aide médicale à mourir suivant un diagnostic de MGII. La demande contemporaine est évaluée sur la base de l’appréciation personnelle que fait la personne de ses souffrances et du déclin associés à sa maladie. Des souffrances physiques et/ou psychiques peuvent motiver la demande. Dans le cas des souffrances psychiques, on relève régulièrement la perte de capacité à réaliser les activités de la vie quotidienne, un sentiment de perte de dignité, un sentiment d’isolement.
La personne est libre de faire une telle demande au moment de son choix suivant son diagnostic, tant qu’elle est apte à le faire. En faisant sa demande, elle n’a pas non plus à déterminer à l’avance à quel moment exactement elle souhaite obtenir le soin.
Apprenez-en plus sur la demande contemporaine.
La demande anticipée
De même, une personne peut aussi remplir une demande anticipée en tout temps suivant un diagnostic de MGII, tant qu’elle est apte à le faire. Cependant, l’aide médicale à mourir ne pourra être offerte par la suite que lorsqu’elle sera devenue inapte et qu’elle présentera certaines manifestations cliniques préalablement identifiées.
Découvrez-en plus sur la demande anticipée d’aide médicale à mourir
Mes droits. Est-ce qu’un professionnel de la santé peut refuser que je remplisse une demande?
Le formulaire
Chaque demande se fait via un formulaire prévu à cette fin, qui est rempli par la personne elle-même. Le formulaire est un élément capital du processus : c’est lui qui officialise la demande.
Les deux demandes ne se font pas via le même formulaire.
Demande contemporaine
Le formulaire de demande contemporaine doit être rempli et signé avec tout professionnel de la santé choisi par la personne elle-même (pas nécessairement un.e médecin) et en présence d’un témoin indépendant et valablement reconnu. Le ou la professionnel·le de la santé achemine ensuite le formulaire rempli et signé aux autorités compétentes.
Demande anticipée
Le formulaire de demande anticipée, de son côté, doit être obligatoirement rempli en ligne et signé en présence d’un·e médecin ou d’un·e infirmier·ère praticien·ne spécialisé·e (IPS), de deux témoins (à moins que la demande ne soit faite par acte notarié) et du ou des tiers de confiance, s’il y en a. Le formulaire rempli en ligne et signé est acheminé par le professionnel de la santé vers un registre gouvernemental prévu à cette fin.
Mes droits. Puis-je présenter les deux types de demande (contemporaine et anticipée)?
L’aptitude
Au moment de remplir la demande (le formulaire)
La personne doit être encore apte au moment de remplir sa demande, que celle-ci soit contemporaine ou anticipée. Personne d’autre ne peut remplir et signer le formulaire à sa place.
Au moment de l’évaluation de la demande
Lorsqu’une demande contemporaine est évaluée, la personne est encore apte à consentir au soin: c’est d’ailleurs une condition nécessaire pour qu’une telle demande soit acceptée.
Par contre, dans le cas d’une demande anticipée, la personne est devenue inapte au consentement au moment où sa demande est évaluée. Celle-ci a pu être déposée des mois ou des années plus tôt. C’est le fondement même du principe de demande anticipée : on remplit une demande pendant que l’on est encore apte, en sachant que l’on ne sera plus apte à consentir au soin au moment où la demande sera évaluée.
Le consentement
Dans une demande contemporaine
Les deux médecins ou IPS évaluateurs de la demande s’assurent à multiples reprises du consentement de la personne lors des discussions qui entourent leur évaluation. La personne étant toujours apte, son consentement verbal est valide.
Avec une demande anticipée
La personne n’est plus apte à fournir son consentement au soin lors de l’évaluation de sa demande. C’est pourquoi la personne doit décrire, dans le formulaire de demande anticipée, les manifestations cliniques de sa maladie qui devront être considérées, une fois qu’elle sera devenue inapte à consentir aux soins, comme l’expression de son consentement à recevoir l’aide médicale à mourir.
Ainsi, lorsque la personne devenue inapte présentera ces manifestations cliniques de manière récurrente, les professionnels compétents considèreront que la personne consent à l’aide médicale à mourir. L’atteinte de ces manifestations cliniques se révèle donc une condition absolument nécessaire pour offrir l’aide médicale à mourir suivant une demande anticipée. Cela dit, ce n’est pas en soi une condition suffisante pour obtenir le soin.
Mes droits. Si je complète une demande, suis-je assuré·e de recevoir l’aide médicale à mourir?
Les critères
Dans les deux cas, la personne évaluée doit être majeure et assurée (avoir une carte RAMQ).
Demande contemporaine
- La personne doit être apte à consentir à l’aide médicale à mourir.
- La personne doit éprouver des souffrances physiques ou psychiques persistantes, insupportables causées par la maladie ou son déclin cognitif, et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge tolérables
Demande anticipée
- La personne doit être inapte à consentir aux soins en raison de sa maladie
- La personne doit présenter, de manière récurrente, les manifestations cliniques liées à sa maladie et décrites dans sa demande
- La situation médicale de la personne donne aux professionnels évaluateurs lieu de croire qu’elle éprouve des souffrances physiques ou psychiques persistantes et insupportables ne pouvant être apaisées dans des conditions jugées tolérables
L’évaluation de la souffrance
Pour que la demande soit acceptée, qu’elle soit contemporaine ou anticipée, la loi prévoit qu’une condition de souffrances persistantes et insupportables soit remplie.
Dans la demande contemporaine
La personne toujours apte est activement impliquée dans l’évaluation de sa demande. Elle peut donc décrire elle-même ses souffrances. Les médecins ou IPS évaluateurs doivent s’assurer que les critères exigés par la loi sont satisfaits en menant plusieurs discussions avec la personne et son équipe de soins au sujet de son pronostic, de sa volonté et de ses souffrances.
Dans la demande anticipée
La personne n’est plus en mesure de participer activement à de telles discussions au moment où sa demande est évaluée. Les médecins ou IPS évaluateurs sont donc les seuls juges des conditions exigées par la loi et des souffrances de la personne.
Or, il s’agit d’un aspect qui comporte une part de subjectivité : différents médecins ou IPS évaluateurs placés devant la même situation clinique pourraient avoir une opinion différente des souffrances apparentes et inapparentes vécues par la personne.
Ce qui est particulièrement délicat, c’est que plusieurs patients inaptes vivant avec une MGII, même à un stade avancé, ne présentent pas nécessairement de souffrances apparentes. Si la personne évolue vers un tel état de démence avec souffrance inobservable, il est possible qu’un médecin ou IPS évaluateur refuse la demande tant qu’elle sera dans cet état et ce, même si les manifestations cliniques prévues dans son formulaire ont été atteintes.
À noter que, si les médecins ou IPS évaluateurs jugent que toutes les conditions prévues à la loi ne sont pas remplies à un certain moment, l’évaluation de la demande anticipée pourra être reprise plus tard. Un nouvel examen sera alors fait, car l’état de santé de la personne atteinte d’une MGII est évolutif. La demande anticipée n’a pas d’échéance.
Les tiers de confiance qui avaient été désignés antérieurement au moment de remplir la demande peuvent participer à l’évaluation; cependant, ce n’est pas eux qui en déterminent l’issue.
Les délais
Pour une demande contemporaine
L’évaluation du premier médecin ou IPS évaluateur a normalement lieu dans les semaines qui suivent le dépôt de la demande. Puis, un délai de réflexion de 90 jours s’applique si le médecin ou IPS évaluateur juge que la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible. Une fois la demande approuvée par les deux médecins ou IPS évaluateurs, le délai entre cette approbation et le soin lui-même est au choix de la personne. Celle-ci peut déterminer le moment de l’aide médicale à mourir, tant qu’elle est encore apte à y consentir. Un formulaire de renonciation au consentement final est aussi disponible si la personne craint de perdre son inaptitude avant d’obtenir le soin (par exemple, en raison de l’usage de médication). Bien qu’il n’y ait pas en théorie de délai maximal possible entre l’acceptation de la demande et l’obtention du soin, ce délai doit être raisonnable aux yeux de plusieurs praticiens: si la demande est formulée afin d’obtenir le soin beaucoup plus tard, certains professionnels évaluateurs peuvent conclure que les souffrances actuelles ne sont probablement pas intolérables et demander à la personne de présenter à nouveau sa demande ultérieurement. En pratique, le délai entre l’approbation de la demande et le soin varie typiquement de quelques heures à quelques mois.
Pour une demande anticipée
Le délai entre la rédaction de la demande et son évaluation est imprévisible, car les MGII évoluent sur une longue période et à un rythme variable. La personne, devenant inapte au fil de cette évolution, ne pourra choisir elle-même le moment où sa demande sera évaluée, ni le moment où l’aide médicale à mourir lui sera offerte si sa demande est approuvée. Les tiers de confiance désignés lors de la rédaction de la demande anticipée peuvent solliciter une évaluation et aviser l’équipe de soins lorsque les manifestations cliniques prévues à la demande sont atteintes.
Conclusion
Suivant un diagnostic de MGII, une personne qui souhaite obtenir l’aide médicale à mourir peut présenter une demande contemporaine et/ou une demande anticipée.
La demande anticipée permet à la personne de prolonger sa vie au-delà de sa perte d’aptitude tout en tenant compte de son désir de préserver sa dignité. Ce faisant, elle implique que la personne s’en remette aux professionnels évaluateurs pour déterminer si et quand l’aide médicale à mourir lui sera offerte sans qu’elle ne puisse elle-même participer activement à ces décisions au moment où elles seront prises.
De son côté, la demande contemporaine permet à la personne de participer activement au processus d’évaluation de sa demande, notamment en décrivant elle-même ses souffrances au moment où elles sont évaluées. Ne vivant pas la perte d’aptitude qu’entraîne la maladie, la personne peut, si sa demande est approuvée, déterminer le moment où elle recevra l’aide médicale à mourir, tant qu’elle est encore apte à le faire. Par contre, cela implique que la personne renonce aux moments de vie qui auraient pu être encore vécus malgré la perte d’aptitude.
Si vous souhaitez obtenir des informations additionnelles sur les deux types de demande, n’hésitez pas à contacter l’AQDMD. Vous pouvez également en discuter avec votre médecin et/ou solliciter le soutien d’un-e travailleur-se social-e pour vous aider à prendre la meilleure décision pour vous.