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Ottawa envisage de suspendre l’expansion

(Ottawa) Le gouvernement fédéral étudie la possibilité de suspendre son projet initial d’élargir les règles encadrant l’aide médicale à mourir afin d’inclure les patients dont la seule condition sous-jacente est un trouble mental.

Article publié dans le journal La Presse, le 15 décembre 2023

« Nous évaluons nos options », a déclaré mercredi le ministre de la Justice, Arif Virani.

Ce serait la deuxième fois que les libéraux fédéraux suspendent leur projet. La première fois, en février, lorsque le gouvernement a décidé d’imposer un délai d’un an face à l’inquiétude générale de l’opinion publique et du monde politique.

Cette décision a fixé une nouvelle échéance, à savoir mars 2024, qui semble maintenant compromise. Le cabinet prendra en compte les avis d’un comité parlementaire mixte, ainsi que ceux d’experts médicaux et d’autres parties prenantes, a indiqué M. Virani.

« Nous évaluerons tout cela de manière exhaustive afin de décider si nous allons de l’avant le 17 mars ou si nous faisons une pause », a-t-il déclaré à La Presse Canadienne en entrevue.

Les deux options sont « sur la table », a-t-il ajouté.

En février, le prédécesseur de M. Virani, David Lametti, a déclaré que le gouvernement aurait pu aller de l’avant avec son calendrier, mais qu’il avait préféré donner aux professionnels de la santé plus de temps pour se préparer au changement.

À l’époque, M. Lametti indiquait qu’une prolongation « donnerait suffisamment de temps pour garantir que notre système de soins de santé protège les personnes vulnérables et soutienne l’autonomie et la liberté de choix ».

L’aide médicale à mourir a été légalisée au Canada en 2016. Trois ans plus tard, la Cour supérieure du Québec a déclaré inconstitutionnel le critère initial exigeant que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible.

Les sénateurs ont également fait valoir que l’exclusion des personnes atteintes d’un trouble mental admissible constituait une violation de leurs droits. Le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a finalement accepté d’élargir l’éligibilité en 2021.

Cette décision a donné lieu à une clause de temporisation de deux ans qui devait expirer en mars dernier, avant que les libéraux ne proposent de la retarder d’une année supplémentaire.

Un vif débat

Une poignée de pays européens autorisent déjà les adultes dont le seul problème médical est un trouble mental à demander une aide médicale à mourir. La question de savoir si le Canada doit suivre cet exemple a suscité un vif débat.

Ses partisans affirment que l’élargissement du régime offre un choix aux personnes qui souffrent et n’ont pas d’autres options ; leur refuser constitue une violation de leurs droits.

Certains représentants d’organismes pour les personnes handicapées estiment toutefois qu’un soutien adéquat en matière de santé mentale est une meilleure option.

D’autres organisations, comme le Centre for Addiction and Mental Health, notent qu’il n’existe pas de consensus médical clair sur ce qui constitue une maladie mentale « grave et irrémédiable », ou sur la manière de la distinguer de la suicidalité.

Selon M. Virani, la première étape consistera à évaluer les recommandations d’un comité mixte spécial de députés et de sénateurs chargé d’étudier la question. Le comité a été convoqué à nouveau après que le gouvernement a imposé le délai initial.

Les membres du comité ont adopté le rapport, mais ont jusqu’à la fin du mois de janvier pour le présenter à la Chambre des communes, a mentionné le coprésident René Arseneault, député libéral du Québec, dans une déclaration.

« Les Canadiens devraient suivre les recommandations du comité, car nous tenons beaucoup à ce que le système soit prêt, a affirmé M. Virani. Cela influencera ce que nous ferons le 17 mars […] si nous allons de l’avant avec la maladie mentale comme seule condition sous-jacente ou non. »

La décision de demander une assistance médicale pour mettre fin à sa vie est un « choix personnel fondamental », a-t-il ajouté.

Le gouvernement, a-t-il dit, « écoute très activement » les voix qui affirment que le Canada n’est pas prêt à étendre son champ d’action aux maladies mentales.

Le chef des conservateurs fédéraux, Pierre Poilievre, s’est déjà engagé à retirer les plans d’expansion s’il forme le prochain gouvernement.

Certains députés libéraux s’opposent également à cette idée. Huit d’entre eux ont rompu les rangs en octobre. Ils ont soutenu un projet de loi d’initiative parlementaire conservateur qui aurait modifié le Code criminel afin d’interdire expressément l’utilisation d’un trouble mental comme base pour choisir une aide médicale pour mettre fin à la vie d’une personne.

Le projet de loi a été rejeté, la majorité des députés libéraux et néo-démocrates et tous les députés du Bloc québécois s’y étant opposés.

Pour consulter l’article sur le site du journal La Presse