Aide médicale à mourir et santé mentale : de quoi parle-t-on?
Définition
Le terme « santé mentale » tel qu’il est couramment utilisé dans le débat public ne permet pas toujours de mesurer l’ampleur des troubles et n’évoque pas la réalité des patients. Lorsque l’expression est entendue dans le cadre de l’aide médicale à mourir, la « santé mentale » évoque des problématiques de santé importantes et persistantes. On ne parle pas d’un problème de vie passager ou d’une crise due au stress. Il peut s’agir, par exemple, de schizophrénie ou d’autres troubles considérés sévères. Dans le vocabulaire médical, on évoque régulièrement le « trouble mental ».
Quelle est la situation légale pour l’aide médicale à mourir et la santé mentale comme seule condition sous-jacente?
Actuellement, la loi exclut de l’aide médicale à mourir les personnes touchées par un trouble mental comme seul problème médical invoqué. Plusieurs questions se posent en effet :
- Le trouble mental altère-t-il le jugement libre et éclairé?
- Est-ce que les personnes atteintes de troubles mentaux sévères sont aptes à prendre une décision telle qu’une demande d’AMM? Comment valider l’aptitude?
- Est-il possible de prévoir l’évolution et la trajectoire de la maladie mentale?
Des pistes de réponses ont d’ores et déjà été trouvées : dans les faits, les personnes touchées par un trouble mental peuvent déjà recevoir l’aide médicale à mourir, si elles ont aussi une pathologie physique et qu’elles remplissent les critères d’admissibilité. En effet, la loi prévoit que les personnes qui présentent des comorbidités de troubles mentaux et physiques peuvent faire une demande d’AMM et être évaluées pour la recevoir.
Dans ces cas, le jugement et l’aptitude d’une personne atteinte d’un trouble mental peuvent être évalués lors de l’évaluation de la demande. Ainsi, le médecin évaluateur fait parfois appel à un consultant psychiatre pour aider dans l’évaluation.
Pour connaître en détail les critères d’admissibilité, consultez cette page.
La situation au Québec et au Canada pour les personnes atteintes de troubles mentaux
Depuis plusieurs mois, les débats se multiplient pour offrir l’aide médicale à mourir aux personnes touchées par un trouble de santé mentale.
Aide médicale à mourir et santé mentale : où en est-on ?
Au Québec, la Commission sur l’élargissement des soins de fin de vie n’a pas souhaité rendre accessible l’aide médicale à mourir aux personnes touchées par un trouble de santé mentale seul. Le projet de loi 11, actuellement en discussion parlementaire, exclut ces personnes en considérant qu’un trouble mental n’est pas une maladie.
Au Fédéral, dans la modification de la loi en mars 2021, une clause prévoyait d’exclure temporairement de l’aide médicale à mourir les personnes atteintes de troubles mentaux comme seul problème. Suite à une prolongation, cette clause court jusqu’en mars 2024, afin de laisser au gouvernement le temps de poser des balises claires avec l’aide d’experts.
Un comité d’experts pan-canadien, dont la Dre Mona Gupta a été présidente, a donc été mandaté par le gouvernement fédéral pour explorer les diverses facettes de l’implantation de l’aide médicale à mourir chez des personnes vivant avec un trouble de santé mentale.
Ces experts de tous horizons ont aussi été chargés d’émettre leurs recommandations sur les protocoles, les mesures de sauvegarde, et les directives qui devraient s’appliquer aux personnes atteintes de troubles mentaux qui souhaitent faire des demandes d’aide médicale à mourir. Suite aux recommandations du groupe d’experts, un groupe de travail encadré par Santé Canada a produit un modèle de norme de pratique en matière d’AMM destiné aux ordres professionnels des médecins et des infirmier·es. Ce modèle sert à mieux encadrer la pratique.
Autoriser l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux seuls permettrait de mettre fin à une discrimination
Selon l’AQDMD, ne pas offrir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux comme seul problème médical est discriminatoire.
La Dre Mona Gupta considère elle aussi que les personnes touchées par un trouble mental seul devraient être éligibles pour faire des demandes d’AMM.
“Il n’y a pas de raison clinique de tracer une ligne pour séparer toutes les personnes souffrant de troubles mentaux des personnes souffrant de maladies physiques chroniques.
En effet, les patients atteints de troubles mentaux qui sont suivis et traités depuis plusieurs années, vivent également des souffrances qui peuvent être intolérables.
“Les exclure d’emblée de l’accès à l’aide médicale à mourir, c’est supprimer des droits aux citoyens.”
Concernant l’altération de l’aptitude, l’évaluation doit bien sûr se faire au cas par cas. Légalement, tout individu – incluant ceux atteints de troubles mentaux – est considéré apte à prendre des décisions. Au quotidien, de nombreuses personnes qui souffrent de maladies mentales prennent des décisions qui ont des conséquences graves sur leur vie (accepter ou refuser une chirurgie, une dialyse, une chimiothérapie, etc.) et même, qui pourraient mener à leur mort. L’aide médicale à mourir devrait être considérée au même titre que les autres décisions importantes de santé. Grâce aux outils développés par les experts (le modèle de normes de pratique entre autres), l’évaluation des patients peut être bien encadrée.
Selon l’AQDMD, le système de santé au Québec est donc équipé pour permettre de rendre accessible l’aide médicale à mourir aux personnes touchées par un trouble de santé mentale comme seul problème médical.
Si vous avez d’autres questions concernant la l’aide médicale à mourir et la santé mentale, n’hésitez pas à en faire part à l’équipe de l’AQDMD qui pourra vous éclairer sur le sujet.
Pour continuer à faire progresser le droit de mourir dignement et soutenir la mission de l’AQDMD, vous pouvez adhérer ou faire un don.
Sources :
- Entrevue de la Dre Mona Gupta
- Association des médecins psychiatres du Québec
- Rapport final du groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale