Qu’est-ce que la demande anticipée d’aide médicale à mourir?

La demande anticipée (DA) est un écrit destiné à obtenir l’aide médicale à mourir.  Elle concerne les personnes majeures, aptes à consentir à des soins, ET qui ont reçu un diagnostic de maladie neurodégénérative cognitive. Dans cet écrit, la personne indique, tant qu’elle est encore apte, qu’elle veut recevoir l’aide médicale à mourir lorsqu’elle sera rendue à une certaine étape de sa maladie et qu’elle sera devenue inapte à décider pour elle-même.

Cela diffère des « directives médicales anticipées » (DMA), qui existent déjà dans la loi du Québec, et par lesquelles toute personne majeure et apte décide des soins médicaux qu’elle acceptera ou refusera de recevoir, dans le cas où elle serait incapable de donner son consentement, par exemple en cas de coma suite à un accident vasculaire cérébral, un traumatisme crânien majeur, une atteinte cérébrale d’origine métabolique, etc.

Dans le cadre de la fin de vie, la demande anticipée permet donc à une personne touchée par une maladie neurodégénérative cognitive menant à l’inaptitude de dicter à l’avance son souhait d’obtenir l’aide médicale à mourir dans le futur, lorsqu’elle sera devenue inapte.

Ce qui va changer pour les patients avec l’adoption du projet de loi 11 en matière de demande anticipée

Qu’est-ce qu’est le projet de loi 11?

Le projet de loi 11 proposait notamment de permettre à une personne touchée par une maladie neurodégénérative cognitive menant à l’inaptitude (comme l’Alzheimer), de pouvoir obtenir l’aide médicale à mourir une fois devenue inapte, grâce à une demande anticipée. Le projet de loi 11 a été adopté le 7 juin 2023, et est désormais  devenu la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives.

Cette loi concrétise plusieurs années d’investissement de l’AQDMD et de ses membres. L’Association s’était mobilisée durant les élections de 2022 au Québec pour faire des demandes anticipées un engagement des partis. Elle avait aussi été entendue en 2021 par la Commission spéciale sur l’élargissement de la Loi sur les soins de fin de vie, puis en 2022 et en 2023 de nouveau.

Faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir sera donc autorisé

C’est une immense avancée pour la sérénité des patients. Sans demande anticipée, les patients touchés par une maladie menant à l’inaptitude qui souhaitent se prévaloir de l’aide médicale à mourir ont deux choix :

  • soit ils effectuent une demande d’AMM de manière prématurée, pour recevoir le soin tant qu’ils sont aptes, et ils perdent ainsi de nombreux mois de vie intéressante avec leurs proches ;
  • soit ils n’effectuent pas de demande d’AMM et sont donc condamnés à vivre la perte de leur aptitude et de leur autonomie, malgré leur volonté.

En ayant accès à l’aide médicale à mourir par demande anticipée, les personnes concernées pourront vivre leurs dernières années de lucidité dans l’apaisement. La légalisation du principe de la demande anticipée d’aide médicale à mourir grâce à l’adoption de projet de loi 11 est donc un espoir concret pour la population. Toutefois, le nouveau cadre doit être davantage défini.

Le cadre d’application de la demande anticipée d’aide médicale à mourir doit encore être défini

Un délai maximal de 2 ans pour l’application

Malgré l’adoption de la loi, les patients éligibles ne pourront pas faire une demande anticipée d’aide médicale à mourir avant plusieurs mois.

En effet, un délai maximal de deux ans pour appliquer la loi sur ce point est prévu par le texte de loi. Ce délai supplémentaire doit permettre au gouvernement de s’harmoniser avec le Fédéral et de répondre aux questions en suspens sur le cadre réglementaire : les guides de pratique clinique, les documents légaux nécessaires, les précisions sur les obligations du “tiers de confiance”, etc.

Toutefois, l’AQDMD a invité le gouvernement à tout mettre en œuvre pour accélérer la concrétisation de la loi. L’Association estime en effet qu’un délai de 6 mois pour élaborer un guide de pratique est suffisant, d’autant que de nombreux mémoires ont été soumis à l’attention des parlementaires et permettent déjà d’en tracer les contours. « Le système est prêt. Chaque semaine supplémentaire représente une perte de chances pour certains de nos patients », considère le Dr L’Espérance, président de l’AQDMD.

Sandra Demontigny (@Je vis avec l’Alzheimer précoce), porte-parole de l’AQDMD sur la thématique de la demande anticipée d’aide médicale à mourir, a été très émue lors de la sortie de la loi, et espère que le délai sera largement raccourci. « Le délai de deux ans est très long, je crains de ne plus avoir toute mon aptitude lorsque j’aurai enfin le droit de faire ma demande. Trop long, c’est trop tard ».

La demande anticipée d’aide médicale à mourir doit-elle être exécutoire?

C’est l’un des points qui reste à définir. La question peut se poser ainsi : si le patient, consentant et apte lors de la demande, semble, une fois devenu inapte, ne pas souffrir, être indifférent ou encore être atteint de « démence (dite) heureuse », faut-il ou non procéder au soin d’AMM?

L’AQDMD considère que si un patient n’est plus en mesure de communiquer avec autrui ni d’exprimer ce qu’il ressent, nul observateur ne sera en mesure d’évaluer sa souffrance psychologique ou existentielle.

La position de l’AQDMD représente donc l’opinion maintes fois exprimées d’une vaste majorité de la population : une personne devenue démente a fait un choix lorsqu’elle était en situation de pleine lucidité et s’attend à ce que ce choix soit respecté. Aucune personne souffrant d’une maladie neurodégénérative cognitive ne devrait vivre ses dernières années de conscience dans la crainte de perdre sa dignité en même temps que sa lucidité.

L’AQDMD espère donc que les règlements d’application de la loi offriront la sérénité du respect de leur décision aux patients qui feront une demande médicale d’aide médicale à mourir : en d’autres termes, que la demande anticipée devienne dans les faits une « directive anticipée » et qu’elle ait une force contraignante pour le personnel soignant, au même titre que les « directives médicales anticipées », tel que cela est spécifié dans la loi 2 du Québec sur les soins de fin de vie.

La loi sur les soins de fin de vie évolue également sur d’autres points

D’autres progrès sont permis par l’adoption du projet de loi 11. Cela fait plusieurs années que l’AQDMD s’est engagée en faveur de ces avancées, et s’en réjouit.

Désormais :

  • Les personnes touchées par une « déficience physique grave entraînant des incapacités significatives et persistantes », – c’est-à-dire un handicap – pourront bénéficier de l’aide médicale à mourir. Cet ajout uniformise la loi du Québec avec le Code criminel qui, à l’instar de la décision de la Cour suprême du Canada, indique comme critère que le demandeur doit souffrir d’une “maladie, handicap ou affection graves et incurables”.
  • Les maisons de soins palliatifs ne pourront plus exclure l’aide médicale à mourir des soins qu’elles proposent.
  • Les infirmier·es praticien·nes spécialisé·es (IPS) pourront réaliser l’ensemble du processus de l’AMM, comme ailleurs au Canada.
  • Les patients pourront recevoir les soins de fin de vie dans le lieu de leur choix.

Et maintenant?

Ainsi, la situation de l’aide médicale à mourir au Québec a donc progressé avec l’adoption du projet de loi 11. En particulier, autoriser la demande anticipée d’aide médicale à mourir est un progrès considérable pour les droits des patients, mais le travail n’est pas terminé. Malgré l’adoption de la loi, la demande anticipée n’est pas encore accessible aux patients. Définir le cadre d’application au provincial est la prochaine étape essentielle.

Au Fédéral aussi, cette option doit être étudiée par le Parlement. À de nombreuses reprises, l’AQDMD a appelé le gouvernement du Canada à suivre l’exemple du Québec et déposer un projet de loi en ce sens.

Vous souhaitez vous mobiliser pour faire avancer le droit de mourir dans la dignité? Votre soutien est crucial : vous pouvez faire un don dès à présent ou  adhérer à notre Association.

 

Sources :
Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives.
Entrevue avec Sandra Demontigny , @Jevisaveclalzheimerprécoce