Les entraves à la circulation provoquées par la venue du pape François à Québec pourraient empêcher des patients de recevoir l’aide médicale à mourir à la date qu’ils avaient choisie. Une situation qui révèle « l’absurdité » de certains paramètres liés à l’administration des soins de fin de vie, dénoncent des médecins.

Les trousses qui permettent aux médecins de la région de Québec d’offrir l’aide médicale à mourir à domicile ou dans un centre d’hébergement sont préparées dans une pharmacie de Baie-Saint-Paul.

Puisque le transport des médicaments s’effectue par voie terrestre, le CIUSSS de la Capitale-Nationale anticipe des retards dans les livraisons attribuables à la visite du pape.

La venue du souverain pontife risque en effet de compliquer les déplacements sur la Côte-de-Beaupré, particulièrement le 28 juillet, date à laquelle il célébrera une messe à la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré. L’événement va entraîner la fermeture de la route 138 durant 12 heures.

Directives aux médecins

Dans une note de service envoyée la semaine dernière aux médecins qui effectuent l’aide médicale à mourir à domicile ou en installation sur son territoire, le CIUSSS de la Capitale-Nationale les invite à planifier, lorsque possible, l’administration des soins avant le 27 juillet ou après le 31 juillet.

Le CIUSSS suggère aux médecins de commander les trousses à l’avance. Entre le 27 et le 29 juillet, pour l’administration d’une aide médicale à mourir qui n’avait pas été prévue, les médecins sont invités à contacter la pharmacie de Baie-Saint-Paul qui prépare les médicaments.

Les moyens nécessaires seront pris pour vous permettre d’obtenir la trousse. Prenez note que les délais de livraison pourraient être plus longs qu’à l’habitude, précise le CIUSSS dans sa note.

Le summum de l'absurdité

Le Dr Alain Naud, qui administre des soins de fins de vie, juge inconcevable qu’on demande à des patients de reporter le moment où ils recevront l’aide médicale à mourir.

Souvent, cette date-là, elle est symbolique pour eux, quand elle n’est pas nécessaire compte tenu de leur condition médicale. C’est déjà annoncé aux proches, qui s’organisent pour être présents. On ne déplace pas ça comme un rendez-vous à la pharmacie ou avec un optométriste, insiste le médecin.

« Je pense qu’on a sombré dans le summum de l’absurdité et de l’incompétence avec cette note de service qui a été envoyée à tous les médecins de la Capitale-Nationale. »

— Une citation de  Dr Alain Naud, médecin qui pratique l’aide médicale à mourir

À noter que les perturbations associées à la visite du pape concernent uniquement l’aide médicale offerte à domicile et dans les centres d’hébergement et dont l’administration est placée sous la responsabilité du CIUSSS de la Capitale-Nationale.

La note de service du CIUSSS de la Capitale-Nationale a fait bondir le Dr Alain Naud.
PHOTO : RADIO-CANADA / CAMILLE CARPENTIER

Dans les hôpitaux du CHU de Québec-Université Laval et à l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec, les trousses médicales sont préparées sur place.

Mais pourquoi le CIUSSS de la Capitale-Nationale fait-il affaire avec une pharmacie de Baie-Saint-Paul? La raison est simple. Il s’agit de la seule pharmacie située sur son territoire à être équipée d’une hotte stérile, dont l’utilisation est requise par l’Ordre des pharmaciens du Québec pour préparer le propofol, un médicament anesthésique.

Un non-sens

Pour le Dr Georges L’Espérance, neurochirurgien et praticien de l’aide médicale à mourir, l’utilisation d’une hotte stérile pour ce type de soins ne fait aucun sens.

Pourquoi est-ce qu’on fait une médication sous hotte? Pour ne pas qu’il y ait d’infection, pour ne pas qu’il y ait de bactéries qui entre dans le produit en question, mais là le patient [à qui on administre la médication] va décéder dans la minute qui suit. Il y a quelque chose d’absurde dans ça, dénonce le Dr L’Espérance, qui préside l’Association québécoise pour l’aide médicale à mourir dans la dignité.

Georges L'Espérance remet en question l'obligation de préparer la médication sous une hotte stérile (archives).
PHOTO : RADIO-CANADA

Le Dr Alain Naud, qui réclame depuis des années des changements au protocole sur l’aide médicale à mourir, abonde dans le même sens.

On impose d’aller préparer des médicaments à Baie-Saint-Paul, qui sont par ailleurs disponibles partout dans la ville de Québec, dans tous les hôpitaux, pour une directive administrative qui ne fait aucun sens et qui n’a aucune justification médicale, s’insurge le médecin.

L'Ordre ne bronche pas

Malgré les reproches exprimés par les deux praticiens, l’Ordre des pharmaciens du Québec n’a pas l’intention de changer ses directives : la préparation du propofol doit être faite sous hotte stérile.

Évidemment, s’il y a de nouvelles données qui nous démontrent qu’on peut ajuster les choses, on va le faire, mais dans le moment, ce n’est pas dans les cartons, indique le président de l’Ordre, Bertrand Bolduc.

Le Dr Naud croit qu’une entente aurait dû être conclue en vue de la visite du pape afin que les médicaments administrés sous la supervision du CIUSSS soient préparés ailleurs dans la région de Québec, dans les installations du CHU, par exemple.

Le CIUSSS se veut rassurant

De son côté, le CIUSSS indique qu’il va tout mettre en œuvre pour qu’aucune aide médicale à mourir ne soit annulée en raison de la venue du pape.

Le CIUSSS de la Capitale-Nationale tient à rassurer la population : toutes les personnes qui pourraient se prévaloir de l’aide médicale à mourir avant, pendant et après la visite du pape pourront le faire, assure l’organisme.

En plus des directives envoyées aux médecins, le CIUSSS affirme s’être assuré de constituer une réserve de trousses qui pourront être utilisées au besoin.

Il a précisé que la préparation des trousses à Baie-Saint-Paul était un processus éprouvé et efficient, qui permet de répondre efficacement aux besoins de la population, à la satisfaction des parties prenantes.

Avec des informations de Camille Carpentier et Marie-Pier Mercier

 

Pour consulter l’article sur le site de Radio-Canada, Ici Québec