L’auteure réagit à la chronique de Patrick Lagacé sur l’aide médicale à mourir, « Les Québécois et l’aide médicale à mourir⁠ », publiée le 16 août

Bonjour, monsieur Lagacé, il faut rendre à César ce qui appartient à César. Vous avez régulièrement et avec rigueur écrit au sujet de la mort choisie. J’ai souvenir que vous étiez le seul journaliste présent lors de la remise du prix de l’Association humaniste du Québec à l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMD), alors que tous les médias avaient reçu l’invitation. Votre intérêt pour la cause ne s’est jamais démenti et c’est pourquoi je vous écris aujourd’hui.

Je vous remercie pour votre chronique sur la popularité de l’aide médicale à mourir au Québec et les inquiétudes soulevées par l’intervention de Michel Bureau. Votre article soulève un point essentiel : l’importance au Québec du débat social qui a précédé la loi sur les soins de fin de vie. Mais si vous me permettez, à titre de présidente fondatrice de l’AQDMD, j’ajouterais une information qui m’apparaît importante. De 2005 à 2010, bien avant la mise sur pied de la Commission itinérante sur « la question de mourir dans la dignité », avant les questionnements du Collège des médecins du Québec et la sortie de son rapport sur la pertinence de « l’euthanasie comme soin proportionné et approprié en fin de vie », avant l’implication politique de Véronique Hivon et même avant la fondation de notre Association en 2007, il y avait un terrain fertile et bien labouré.

Le dépôt du projet de loi privé de Francine Lalonde aux Communes en juin 2005 a été le déclencheur d’une réflexion très importante dans la vie associative au Québec.

Le Québec est reconnu pour l’importance du mouvement associatif et coopératif et pour son rôle dans la sphère publique. Les Caisses populaires Desjardins sont un exemple unique et éloquent. Pour des raisons historiques, les citoyens québécois ont senti le besoin de s’unir pour faire connaître leurs revendications afin d’agir pour faire avancer leurs droits. Les organismes à but non lucratif, dans plusieurs domaines, ont défendu la justice et le bien commun bien souvent avant les partis politiques traditionnels.

C’est pour ces raisons que le droit de mourir dans la dignité s’est retrouvé dans les forums de discussion ou dans les congrès annuels de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées dès 2005.

Plus tard, ce fut au tour l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec, de l’Association féministe d’éducation et d’action sociale, de l’Association québécoise de gérontologie et de plusieurs sections régionales de la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ).

Pour comprendre ce qui se passe, il faudrait donc additionner le nombre de citoyens et d’associations qui attendaient déjà le débat politique sur ce sujet. Dans les familles québécoises, autrefois nombreuses et tissées serré, plusieurs avaient des histoires de mort horrible à raconter. Je termine par cette phrase qui résume tout : « Les curés ont fait leur temps au Québec, c’est pas les docteurs qui vont décider quand je vais en avoir assez de souffrir. » J’ai entendu ce refrain en plusieurs versions dans mes rencontres d’information sur le droit de mourir dans la dignité.

La bataille citoyenne pour l’autonomie en matière de vie et de mort a probablement commencé avec la Révolution tranquille. Les Québécois sont généralement moins soumis qu’on le croit !

Très cordialement et merci pour tout.