Alors que le sprint final pour l’adoption de la nouvelle Loi concernant les soins de fin de vie s’amorçait vendredi, les groupes d’opposition se sont longuement questionnés sur l’argumentaire de la ministre, qui avait indiqué la veille au micro du 98,5 FM qu’il fallait « s’harmoniser avec le Code criminel » avant que les nouvelles dispositions concernant les demandes anticipées d’aide médicale à mourir entrent en vigueur.

« Il ne faut pas attendre après le fédéral », a répété le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, lorsqu’interrogé à ce sujet vendredi. « Il ne faut pas aller avec la vitesse du plus lent. »

« C’est une loi québécoise excessivement importante. Il faut maintenant la rendre effective », a-t-il ajouté.

Le député du Parti québécois Joël Arseneau accuse Mme Bélanger de « remettre en question la compétence du Québec » en matière de santé. En 2014, l’Assemblée nationale avait adopté sa première loi sur l’aide médicale à mourir, en contravention avec le cadre législatif canadien. Le dossier s’était rendu jusqu’en Cour suprême, où l’interdiction prévue au Code criminel de procéder à des soins de fin de vie avait été invalidée.

« C’est strictement de juridiction québécoise de mettre en oeuvre cette loi-là parce qu’il est question, essentiellement, de soins et de consentement », a soutenu M. Arseneau vendredi, lors d’un point de presse à Québec.

« Chicanes d’incompétences »

Il ne reste plus qu’une étape avant l’adoption du projet de loi 11, auquel a été inscrit à la dernière minute un délai maximal de 24 mois pour se préparer à la réception de demandes anticipées. Relancé vendredi pour réagir aux commentaires de l’opposition, le cabinet de la ministre déléguée à la Santé, Sonia Bélanger, a soutenu que « le Québec est un précurseur en ce qui concerne l’aide médicale à mourir ».

« On va continuer les démarches nécessaires pour que ce soit effectif le plus rapidement possible, pour les personnes qui l’attendent », a indiqué l’attachée de presse Sarah Bigras dans une déclaration.

En entrevue avec Le Devoir, l’expert en droit constitutionnel Patrick Taillon a raillé le « faux prétexte » de la ministre Bélanger dans ce dossier. « J’appelle ça des chicanes d’incompétences », a-t-il illustré à l’autre bout du fil. « Souvent, nos gouvernements se chicanent parce qu’ils veulent s’occuper de la même affaire. […] Mais il y a des cas, des fois, où c’est l’inverse : un gouvernement va utiliser l’excuse du fédéralisme pour justifier son inaction, ses délais, ses retards, ses hésitations. »

« Là, je pense qu’on est clairement dans un cas comme celui-là », a ajouté le professeur titulaire à la Faculté de droit de l’Université Laval.

« J’espère que le gouvernement, qui se dit nationaliste, n’est pas en train de faire un virage complet en disant qu’il faut se soumettre aux décisions du fédéral dans cette question qui […] relève du Code civil », a pour sa part lancé Joël Arseneau.

Déjudiciariser

M. Taillon rappelle qu’après l’adoption de la première Loi concernant les soins de fin de vie, la ministre de la Justice et procureure générale Stéphanie Vallée avait demandé aux procureurs québécois de ne pas entamer de poursuites à l’égard de quiconque administrant des soins d’aide médicale à mourir. Les soins de fin de vie avaient donc été « déjudiciarisés ».

Le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, n’a pas voulu dire vendredi s’il comptait répéter l’expérience. Interrogé par Le Devoir, il nous a renvoyés au bureau de la ministre Bélanger. Or, selon Marc Tanguay, Québec a tout à fait le pouvoir de produire une nouvelle directive. « Ça peut se faire », a-t-il dit.

Le député de Québec solidaire Vincent Marissal, qui avait participé aux travaux de la Commission spéciale sur l’évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie, il y a deux ans, a pour sa part rappelé que le gouvernement s’était engagé l’an dernier à ne pas repousser l’entrée en vigueur de la loi.

« Est-ce qu’on peut, au moins, pour les gens qui attendent ça, […] s’engager à ce que ce soit réellement le maximum des maximums ? a-t-il demandé. Faites le plus vite possible. »

Avec Marie-Michèle Sioui

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