Mme Danielle McCann, à la santé, appuyée par Madame Lebel de la justice, a annoncé que le critère de « fin de vie » deviendra inopérant, répondant ainsi à l’injonction de l’honorable Juge Christine Baudouin de la cour supérieure du Québec (CSQ) dans sa remarquable décision du 11 septembre 2019.
Nous considérons ces modifications comme une avancée significative après quelques années d’application de la loi qui ont permis de constater le sérieux avec lequel la loi est appliquée partout au pays, dans le plus grand respect de la dignité des demandeurs et dans la protection des plus vulnérables.
Tous les autres critères sont adéquats et clairs, tant pour les patients que pour les soignants et « les mesures de sauvegarde déjà en place dans la loi s’avèrent suffisant(e)s pour assurer que le système puisse procurer l’aide médicale à mourir aux personnes qui y ont droit. » (Décision Baudouin, paragraphe 621).
Depuis quelques semaines et encore plus depuis l’annonce de Mme McCann, il règne cependant une confusion fort dommageable dans la population et dans certains médias, confusion qui ne peut que faire le lit des opposants religieux ou autres. Cette malheureuse confusion concerne les pathologies chroniques physiques (dégénératives ou autres), les pathologies dégénératives cognitives (démences) et les directives médicales anticipées, les personnes avec problèmes de santé mentale. Ces problématiques sont différentes les unes des autres, posent des défis particuliers.
La décision de la cour supérieure concerne les patients avec pathologies physiques chroniques, incluant les pathologies neurodégénératives physiques (sclérose latérale amyotrophique, sclérose en plaques, etc). Il est impératif pour le Québec de travailler conjointement dès maintenant pour harmoniser C-14 avec la loi 2 du Québec.
Les principes qui doivent guider toutes les discussions demeurent au centre des réflexions :
- Autodétermination de la personne.
- Respect des volontés émises et des valeurs exprimées.
- Dignité dans le vivre et dans le mourir.
- Aptitude à décider pour soi au moment de l’expression des volontés.
Dans l’immédiat, et pour le 11 mars 2020, rendre inopérant au fédéral le critère de « mort naturelle raisonnablement prévisible » (MNRP) et surtout ne pas le remplacer par une autre notion restrictive. Ainsi, les fournisseurs d’AMM respecteront le cadre de la décision de la cour suprême du 6 février 2015 et le droit à l’autodétermination. Et les personnes avec pathologies physiques chroniques incurables (jugement Gladu/Truchon) pourront y avoir accès si tous les autres critères sont respectés.
Toujours dans l’immédiat, et au fédéral comme au provincial, enlever l’obligation de l’aptitude persistante jusqu’à la fin lorsque la décision de la personne apte est prise ainsi que le délai de 10 jours (C-14), superflu et inutile pour ces grands malades. Ce délai peut entrainer des souffrances supplémentaires et inhumaines pour certains patients qui ne veulent pas prendre leur médication antalgique ou qui peuvent souffrir de délirium à tout moment.
Il n’y a aucune urgence à décider dès maintenant des critères nécessaires pour l’AMM chez les personnes aux prises avec un problème de santé mentale grave, récidivant et résistant à toute thérapeutique. Oui, il faut y parvenir, ces personnes étant tout aussi souffrantes que celles avec pathologies physiques, mais il faut se donner le temps de bien faire les choses : opinions d’experts (psychiatres, psychologues, travailleurs sociaux, intervenants de la rue en itinérance), revue des données probantes (déjà faite au niveau fédéral), écoute des groupes communautaires. Un objectif de 8 à 10 mois semble réaliste et atteignable en tout respect pour ces citoyens tout en posant des balises supplémentaires aux critères actuels.
À moyen terme, 1 à 2 ans, la société devra réfléchir à l’accessibilité pour les mineurs « matures » de 14 à 18 ans qui rencontrent tous les autres critères et avec concertation avec la famille immédiate ou les personnes proches s’il n’y a pas de famille immédiate. Une évaluation psychologique/psychiatrique pourrait être de mise selon le jugement de l’équipe traitante. (Je me dois de préciser ici qu’à titre personnel et comme médecin, je suis d’emblée favorable à leur inclusion dès maintenant pour diverses raisons.)
Toujours à moyen terme, la réflexion déjà amorcée doit être activement poursuivie pour les personnes avec pathologies dégénératives neurocognitives (Alzheimer, démences vasculaires et autres démences) afin que cette personne puisse indiquer dans ses directives médicales anticipées rédigées alors qu’elle est apte, et sous validation d’un témoin, qu’elle désire obtenir l’AMM au moment où elle le jugera pertinent pour elle, selon ses valeurs et quel que soit son état cognitif à ce moment.
Enfin, il nous apparaît nécessaire de repréciser ici qu’il doit y avoir en tout temps une interdiction absolue d’AMM sous peine de sanctions criminelles (car cela devient de l’eugénisme) pour les personnes inaptes depuis toujours (déficience mentale) ou celles qui le sont devenues sans avoir fait de DMA.
Georges L’Espérance, neurochirurgien
Président de l’AQDMD
Montréal